Je suis née il y a vingt six ans à Tijuana, au Mexique. C'est une ville proche de la frontière américaine et il y a toujours eu, depuis très longtemps des flux migratoires vers les Etats Unis, notamment vers le comté de San Diego. Mais il y a aussi beaucoup d'américains qui viennent pour le tourisme, trouvant drogue, sexe et alcool en toute liberté et à bon prix.

Je suis donc une pure Mexicaine née dans une famille nombreuse de ce que, dans certains pays, on appellerait la petite bourgeoisie. Mon père était médecin, ma mère enseignante dans une école primaire de la ville. J'ai trois frères et deux soeurs. Nous sommes donc six enfants.

Très jeune, encore adolescente, vers l'âge de treize ou quatorze ans, j'ai commencé à rêver à une vie de l'autre côté de la frontière, aux Etats Unis. Au mieux je pouvais espérer suivre les traces de ma mère mais cela ne me disait rien. Sinon c'était, comme beaucoup de filles autour de moi, aller travailler dans une des usines travaillant pour les américains ou dans un bar pour gagner un salaire de misère. Et tout cela dans une ville gangrénée par la violences des trafiquants et des cartels. On risquait souvent de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Non ce n'était pas à cela que j'aspirais.

Je vivais certes un peu d'illusion mais j'avais l'impression que de l'autre côté de la frontière, je trouverais facilement un job et que je gagnerais suffisamment d'argent pour m'offrir les jolies toilettes, les bijoux et les sorties qui me faisaient tant envie. Je savais que mes parents ne seraient pas d'accord sur cette idée. Alors j'ai préparé mon coup toute seule et j'ai suivi un groupe de clandestins pour passer la frontière, emportant quelques économies que j'avais mis de côté. J'avais à peine dix sept ans et je n'ai rien dit à mes parents.

Je me rendis rapidement compte que c'était moins idyllique que je ne l'avais pensé. Mais malgré tout mon amour-propre m'interdisait de me plaindre et j'écrivis à mes parents pour leur dire que j'étais aux Etats Unis et que la vie y était merveilleuse. J'ai réussi à trouver des petits boulots, comme caissière, comme serveuse. Et puis j'ai eu un job plus stable alors que j'avais repris mes études. Tout cela permit une régularisation de ma situation et je pus aussi trouver un logement. Ce n'était pas grand mais c'était un début.

Je m'intégrais peu à peu et je trouvais que la vie était finalement pas si désagréable. Je sortais avec les jeunes de mon âge et je regrettais de moins en moins d'avoir franchi la frontière. Je n'avais plus vraiment envie de revenir au Mexique, si proche pourtant. Bien sûr mes parents me manquaient un peu, et même beaucoup mais ma vie était maintenant ici. Je fis la connaissance de Tobias alors que je venais d'avoir vingt quatre ans. Il était plus âgé que moi mais il me plut. Et il ne tarda pas à devenir mon amant. Entre nous c'était assez libre mais c'était bien. J'aurais peut-être voulu que ça aille un peu plus loin mais je me contentais de ça et puis ... je pouvais aller butiner ailleurs.

Il y a un peu plus d'un an il m'a proposé de servir de mule pour le gang qu'il dirige. Il y avait un bon paquet de dollars à la clé à chaque passage. Et ce devait être sans risque ou presque. Alors j'ai accepté. Il fallait faire le voyage depuis Tijuana. C'était la première fois que j'y remettais les pieds depuis près de huit ans. J'ai pu aller revoir mes parents, mes frères et soeurs. Il suffisait que je prenne la cargaison de came, que je lui fasse franchir la frontière, que je la dépose et en échange je prenais l'argent que je déposais pour Tobias et sa bande. Il fallait juste faire preuve de prudence, de discrétion, de discipline. Et après j'avais ma commission. Et ça a duré comme ça pendant plus d'un an, réglé comme du papier à musique. Pourquoi a-t-il fallu qu'un jour je me fasse délester du chargement. Pourtant je n'ai pas de fait de faute. J'ai suivi toutes les consignes. Mais le gang a perdu cinq kilos de came. Il y en avait pour trois ou quatre cent mille dollars.

Et ça ne leur a pas vraiment plu quand j'ai dû annoncer ça à Tobias. Il était plus question de nos liens et nos parties de jambes en l'air. J'étais décomposée quand je suis passée devant Tobias et ses potes. J'ai eu beau leur expliquer que je n'y étais pour rien, que je n'avais pas enfreint les consignes, ils n'ont rien voulu savoir. Il fallait que je rembourse d'une manière ou d'une autre. Une somme pareille ! Avec mon salaire je ne risquais pas de rembourser de sitôt. Alors ils ne m'ont pas laissé le choix. J'allais travailler pour eux comme escort girl. Ils ont un réseau de filles qui travaillent pour eux et ils gèrent un bordel à Tijuana. Les filles vont là-bas pour les clients mexicains ou les américains qui y vont spécialement pour profiter des petits plaisirs de la ville. je sais qu'il va me falloir faire la pute pendant quelques d'années pour les rembourser. Et quand j'aurais remboursé ils ne me lâcheront sans doute pas comme ça.

J'en veux à Tobias de m'avoir condamnée à faire ça mais il n'avait peut-être pas le choix. Les premiers clients que j'ai eus ont l'air d'apprécier mes services. Moi j'ai du mal à me dire que mon avenir c'est ça mais je dois oublier que les mecs payent pour baiser avec moi. Sinon ceux qui m'emploient, Tobias le premier, ne vont pas apprécier. Et j'ai une peur bleue que l'on me reconnaisse quand je vais au Fuego, le bordel où je travaille à Tijuana. Si mes parents ou des amis de la famille reconnaissaient la petite Alejandra, partie pour une vie meilleure aux Etats Unis. J'aurais la honte de ma vie.