Je ne vais pas la faire longue, il faut dire que ma vie n'est pas exceptionnelle non plus ! Mais il y a cinq moments super importants dont j'aimerais vous parler.

J'aimerais tout d'abord vous parler de mon enfance au Mexique. Je suis née et j'ai vécu 16 ans dans une des villes les plus dangereuses du pays. Et vous savez quoi ? Ca a été les plus belles années de toute ma vie. J'étais entourée de mes six frères. Quatre aînés, qui me protégeaient et m'aimaient plus que tout. Et deux plus jeunes qui eux, m'ennuyaient autant qu'on s'aimait. Car oui, le maître mot dans la famille Vasquez, c'est l'amour. L'amour des autres, l'amour de soi, l'amour de ce que l'on fait et de ce que l'on donne. On m'a appris des valeurs très importantes dès toute petite. J'ai appris la valeur de l'argent et de la vie humaine. Combien d'enfants peuvent comprendre ça, qu'une vie est plus importante que le cadeau qu'on espère recevoir à Noël ? Et bien chez moi, on le savait ! Et puis, la famille, on se voulait unis, bienveillants, soudés et fiers. Oui, on était fier de ce qu'on était et de ce qu'on représentait. Mais à côté de ça, on a aussi souvent appris à se défendre, à s'entraider et à veiller sur les plus jeunes. Je sais tirer, je sais mentir, je ne fais pas confiance à la police ou toute autre autorité. Je sais tenir tête à quelqu'un qui me marche sur les pieds ! J'ai appris à ne pas accélérer le pas quand on me suit, mais à sonner à la bonne porte. J'ai appris à refuser les cadeaux, c'est souvent loin d'être gratuit ! Enfin vous m'aurez comprise ?

Mais j'ai appris une autre chose, c'est que dans une famille mexicaine, vivant dans un quartier mal famé, on ne connait pas la tranquillité et l'intimité. Imaginez bien que j'ai eu très longtemps une chambre avec mes quatre grands frères. Je n'étais séparée des garçons que par un drap pendu au milieu de la pièce. Les dernières années, depuis que j'étais devenue une " femme ", je vivais dans le salon, je dormais dans le divan lit. Mais maintenant que j'ai ma chambre et que je suis souvent seule à la maison, ça me manque trop de les avoir dans les pieds, alors je leur téléphone quasiment tous les jours. Enfin quand mes horaires à l'hosto me le permettent sinon je leur envoie des textos à longueur de journée.

Autre chose que je voulais partager avec vous, cela se passe l'année de mes 15 ans. Je suis partie de ma ville natale pour aller m'installer chez mon oncle et mes cousins à Tijuana. Je voulais faire mes études universitaires aux USA pour avoir plus de chance par la suite de faire vivre ma famille de mon métier. Et pour revenir au pays avec les meilleurs moyens d'aider les personnes désavantagées. Les Mexicains n'ont pas le droit comme beaucoup d'autres à des aides pour se soigner, ils ne connaissent pas la générosité des plus grands, mais je veux que tout le monde puisse se soigner, être aidé et surtout supporté quand ça ne va pas. Alors j'ai dans l'idée de devenir un des meilleurs médecins pour les aider plus tard ! Et surtout ouvrir un cabinet médical où ils pourraient tous venir se faire soigner gratuitement !

Mais c'est également cette année-là que j'ai appris à connaître les gangs et leur violence. Deux de mes cousins y étaient affiliés. Ils me faisaient peur souvent quand ils revenaient avec une tête totalement fracassées. J'avais peur de les perdre, j'avais peur de ne pas être à la hauteur pour leur sauver la vie. Pourtant combien de fois j'ai dû être là pour leur sauver les miches ? Je les ai aidé, je les ai soigné comme je le pouvais. Jusqu'au jour où ce fameux gang est passé à la maison. Je n'étais pas là, comme tous les jours, je passais la frontière pour aller au lycée à San Diego. Quand je suis revenue, mon oncle avait reçu une balle dans la tête, mes cousins étaient dévastés. Moi, je n'ai su que faire ! Pourtant, je n'ai pas pleuré, j'ai gardé la tête haute et j'ai nettoyé le tout frénétiquement après le départ de la police. Je suis encore restée quatre ans dans cette maison à me rappeler de l'horreur et des cris du plus jeune. A me dire que je n'aurais pas dû partir ce matin-là ! Mais il était trop tard ! J'ai soutenu ma famille, vu que c'était la seule chose que je pouvais faire. Et aujourd'hui, ce sont eux qui me soutiennent quand je craque !

Après, j'avais à peine 18 ans, quand j'ai appris que mon plus grand rêve allait se réaliser. J'avais été reçue à l'université de Los Angeles. C'était l'une des trois meilleures écoles du pays en médecine. J'allais tous les matins traverser la frontière un peu plus tôt pour m'y rendre, j'allais bosser comme une folle pour être toujours à mon top, utiliser mes temps libres pour devenir encore meilleure, je ne pouvais pas rater, c'était impossible. J'oubliais presque jusqu'à ma vie privée pour tout ça ! Ma vie passait après celle des miens. C'est donc normal que lorsqu'on m'a proposé de poser comme mannequin que j'ai dis oui. J'ai réfléchit, mais tout cet argent que j'allais amasser, j'allais l'envoyer à ma famille rester dans ma ville natale et j'allais également pouvoir aider mes cousins à s'en sortir sans leurs deux parents. Je sais que je ne pouvais faire que ça, cette entraide et cette famille, tout coulait dans mes veines. Jamais je n'aurais pu faire autrement. Pourtant, j'ai eu longtemps honte, je ne leur ai jamais dit quelles photos je faisais. Des photos en sous-vêtements ou en maillot de bain. Rien de bien vulgaire, mais chez nous, c'est déjà trop de peau montrée. Mais je pouvais être heureuse juste à entendre leur voix au téléphone me remerciant. Je ne recherchais pas les remerciements, mais leur bonheur était le plus important.

21 ans, je n'en pouvais plus de passer la frontière, d'y être bloquée quelques fois deux heures ou trois sur la journée. Alors quand le plus âgé de mes frangins est allé habité à San Diego et qu'il a trouvé un boulot dans le bâtiment, j'ai sauté sur l'occasion. Il m'a trouvé un emploi stable dans la Tequileria comme barmaid, pour avoir la carte verte et USA me voilà ! J'arrivais avec mes valises et j'apprenais à conquérir ma nouvelle vie. Quoique vu le boulot que j'avais, cela ne me changeait pas tellement. J'utilisais les temps libres au boulot pour étudier et je flirtais par ci par là pour me sentir encore femme. C'étaient de belles années !

Dernière partie à connaître sur moi, c'est à partir de mes 25 ans. Le début de mon internat aux urgences et en chirurgie au Scripps Mercy Hospital. Au revoir la Tequileria, quoique je vais toujours donner un coup de main quand on a besoin de moi et bienvenue aux heures supps et aux horaires de fous. Je fais de plus un cursus en médecine légiste. Là, où beaucoup me disent que je ne tiendrai pas la distance, je réponds par le silence et la volonté d'y arriver. Regardez moi maintenant, à un an d'être diplômée et heureuse dans ma vie, même si elle n'est pas très florissante.