Ma naissance n’était pas voulue dans un premier temps. Pourquoi? Oh non pas par manque d’amour, mais plutôt par manque d’argent. Ma famille n’était pas riche et mes parents n’avaient pas d’éducation. Nous vivions dans une roulotte en fer rouillé et je dormais sur la table de cuisine qui se changeait en lit. Oui, c’était comme ça que je vivais avec mes parents. Heureusement, je n’avais pas de frère et de sœur. J’étais enfant unique et c’était parfait ainsi. À l’école, je n’étais pas la plus sage et encore moins la meilleure élève. Je préférais nettement m’amuser et jouer des tours. Malgré la situation difficile dans laquelle j’évoluais, je restais joyeuse et souriante en toute circonstance. Peut-être une force intérieure à vouloir m’en sortir dès mon plus jeune âge? Cela m’amenait à me faire facilement des amis et les enfants Cody ne faisaient pas exception à règle dans le quartier.

Celui dont j’étais le plus proche était Harper. Il y avait une sorte de connexion que je ne pouvais pas expliquer entre lui et moi. J’étais impulsive et j’aimais le suivre dans des plans tous plus foireux les uns que les autres ou encore des idées tordues comme jamais. J’avais confiance et c’est encore le cas à ce jour. Mes parents ne voyaient pas cette relation d’un bon œil pensant qu’il était le détraqueur de mon mauvais comportement et pourtant, j’étais l’investigatrice de près de 50% de nos conneries d’enfant et d’adolescent.

C’est avec le recul que je comprenais qu’ils toléraient ma relation avec les Cody, car Jeanine était généreuse avec moi, mais cela avait un prix bien particulier. Sans aucun doute, car elle m’appréciait comme une sorte de fille adoptive, car elle me traitait de la même manière que ses propres enfants. Je mangeais à leur table et je dormais chez eux au besoin c’était toujours mieux que d’avoir la faim au ventre ou encore de dormir dans la roulotte pleine de moisissures.La petite fille se changeait en femme. j’avais relativement conscience que j’étais attirante, mais je n’y faisais pas plus attention que ça. Moi, ce que je voulais c’était de m’amuser avec Harper tout simplement. Autant j’appréciais sa présence qu’il me donnait envie de gueuler. C’est encore le cas à ce jour étonnamment. Nous partegons également de très beaux moments remplis de fous rires et de complicité. Il faut pas croire que tout est noir entre nous.

Je n’ai jamais terminé mes études. Les problèmes familiaux avaient pris la place. J’étais une adolescente indépendante et je voulais faire mes propres choix sans avoir l’avis de quiconque. Je me foutais des conséquences de mes actes en fait. Je me foutais du regard des autres sur ma personne et c’est encore le cas aujourd’hui. Mon père fichait le camp le jour de mon quatorzième anniversaire. Ma mère tombait «amoureuse» d’un connard alcoolique avec des mains beaucoup trop baladeuses. On en parle de la fois qu’il a tenté de me toucher et que je l’ai cogné avec une de ses bouteilles sur la tempe? Il y avait du sang partout et ça gueulait dans la roulotte moisie. J’étais alors allé chez Jeanine alors qu’il était plus de 23h00. J’avais un bleu dans le visage et j’étais restée chez elle en me pliant à ses règles. Oh, elle n’était pas une tendre et ce n’était pas avec elle que j’irais chercher de l’affection. Qu’est-ce qui est arrivé à mon beau-père? Aucune idée. Je n’ai jamais revu ma mère après être allé chercher mes choses. J’étais un électron libre désormais.

Je savais ce qui se passait chez les Cody. Les vols et tout ça. Je n’étais pas conne au point de poser des questions. Ce n’était pas de mes affaires de toute façon. Entre-temps, je carburais à l’adrénaline avec Harper : Surf, motocross, boxe ou ce que vous voulez. J’ai pratiquement tout fait avec lui. Combien de fois est-ce que j’aurais pu crever et pourtant j’étais encore là. On se gueulait dessus souvent mais on partageait également des moments tendres. Il ne faut pas chercher à comprendre notre relation. Inséparables, mais insupportable par moment. Étonnamment, c’est encore comme cela de nos jours, mais ça c’est de nos affaires et pas les vôtres.

J’ai bossé de petits boulots en petits boulots. Je me faisais souvent foutre dehors à cause de mon absentéisme et ce genre de truc débile. Aucune liberté et puis rien à foutre des horaires. C’est sans aucun doute pour ça que j’ai commencé à faire de l’art alors que j’étais un peu torché. Un type a aimé ce que je faisais et de fils en aiguille, j’ai commencé à devenir une artiste peintre. J’ai exposé dans quelques galeries, mais je prends surtout des commandes privées. Du bouche-à-oreille. Ma toile qui m’a permis de me faire un petit nom s’appelait «Déchéance». Vous savez pourquoi elle m’a fait un nom cette toile de trois mètres sur trois? J’ai mis mon sang dessus littéralement. Une idée tordue. J’ai parfois ce genre de demande encore.Il faut croire qu’il y a des gens que ça excite. J’ai acheté mon atelier il y a quatre ans. Je l’adore et j’y vis. J’adore y faire la fête ou bosser. C’est mon univers que les gens ne comprennent pas vraiment.

Aujourd’hui, j’ignore ce qui va se passer dans ma vie. J’ignore ce qui va arriver, mais je vis de mon art et du recèle de pièces volées. On est une vilaine demoiselle ou on ne l’est pas. Et Harper? … Il reste Harper et ce n’est pas de vos affaires merde! Où est-ce que j’ai mis les clefs de mon pickup merde?